Missive écrite le Lundi 11.09.04.

Cher Danny,

C’est sot comme début, n’est-ce pas ? Et bien soit : trouves m’en un autre, tu n’as que cela à faire ! En attendant, on se contentera de cela. Je t’écris rarement le Lundi, l’as-tu remarqué ? Juste une fois par an, en vérité. Cette fameuse fois…

Et voilà ! Le papier est à nouveau abîmé de mes larmes… Oh ! J’ai tellement la fainéantise de la réécrire… Tant pis ! Elle restera telle quelle. Marre de recommencer des lettres que tu ne pourras plus jamais lire. Marre de devoir haïr ce jour, de devoir me vider, me déshydrater pour ces salauds, ces foutus terroristes qui t’ont ôté la vie, à toi et à tant d’autres ; marre… Beaucoup plus que ras-le-bol même ! Ma lassitude est sans faille. Putain, Dan’ ! Faudrait que j’ai le courage, faudrait que j’arrive à me relever, à sourire de nouveau, à travailler, à voir du monde, à affronter tes fanatiques désespérés, à ne plus tenir rideaux et fenêtres fermés, à ne plus vivre cachée à cause des photographes… Il faudrait, oui. Mais je ne sais pas, je ne sais plus si j’en ai la force. Je ne sais rien, désormais. Sauf que tu es parti.

Nous avions des projets : envie d’un enfant –fille ou garçon, peu nous importait du moment que ça jouerait de la guitare et que ça crierait en courant dans tous les sens-, envie de vacances en amoureux –on disait Venise à tout le monde mais on désirait un hameau isolé et perdu même-, on débattait appartement ou maison –on voulait en fait un ranch avec un grand hangar, comme dans les vieux films de Western-, … On en voulait des choses, Danny, on en voulait ! Et ça a eu raison de nous. De toi, surtout. Ca nous a porté malheur…

Ce jour-là, il faisait beau comme en plein mois de Juin. Pas un nuage ne gâchait le tableau d’Azur du ciel, rien. Tu avais enfilé ton costume –le plus beau dont tu disposais-, serré ta cravate, enfourché tes chaussures au noir laqué de la veille. Un rendez-vous professionnel. Une prime pour je ne sais quel produit dérivé de votre groupe de musique : MCFLY. J’avais eu du mal à te laisser partir, décrétant faire mon aguicheuse ce matin-là. Tu eus de la peine à m’abandonner de ce fait. J’étais accrochée à tes lèvres, pendue à ton cou, scotchée à ton corps. Toujours en chemise de nuit rouge sang, au décolleté alléchant, aux bretelles presque inexistantes, à une chute de reins dévoilée à souhait, à la coupe moulante, à la longueur indécente…

« _ Il love your dress, baby, m’avais-tu soufflé avant de t’arracher à moi difficilement. »

Et pour toujours. Mais ça, je l’ignorais…

Sinon Danny, je te le promets, tu serais là, dans mes bras, tu tiendrais le fils que tu m’aurais donné dans tes bras et tu le ferais jouer à ton concert prévu le soir même. Oui Danny, si j’avais su, si j’avais su…

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« Attentat au World Trade Center. Nombre de personnes décédées encore inconnu. Si l’on vous appelle… »

J’éteignai la télévision, ignorante du lieu de ton rendez-vous – qui, à cette heure devait déjà être terminé. Le téléphone sonna et je ne fis toujours aucun rapprochement avec la précédente annonce.

« _ Bonjour, je voudrais parler à la petite-amie de Danny Alan David Jones, s’il vous plaît, demanda une voix officielle au téléphone.
_ C’est moi, confirmai-je.
_ Toutes mes condoléances, Mademoiselle… »

Tassy Eleonor James et aurait aimé être Jones.